L'idée de payer pour des terres ou des vêtements virtuels me semblait absurde, et l'existence même de Second Life me paraissait relever d'un effet de mode, ou de l'ennui profond que peuvent avoir quelques personnes en contemplant la perspective infinie d'Internet. J'avais visité en son temps le Palace, et je n'y avais pas trouvé beaucoup d'intérêt. Les graphiques gênaient la conversation plutôt qu'ils ne la favorisaient. Devant une pomme parlante ou le portrait d'une star, je ne voyais que la pomme ou le portrait et je n'arrivais pas à distinguer la personne. J'enviais le soin et l'imagination que quelques personnes avaient pu mettre dans leurs avatars, mais cela ne me motivait pas suffisamment pour en créer un. IRC restait plus riche, par le dynamisme que son apparente simplicité suscitait chez ses utilisateurs et par la diversité de ses usages.
Finalement, un jour un peu lent après les réveillons de fin d'année, ma curiosité a pris le pas sur mes bonnes raisons, et j'ai commencé une seconde vie.Les premiers pas sont terribles. Un avatar laid et maladroit qui ressemble à tous ceux qui vous entourent, des activités stupides comme prendre un ballon de plage et le déplacer .. soyez sures que le ballon va vous échapper ... et déjà, le ton est donné, les premières avances et propositions. Quand je suis arrivée à m'enfuir de l'endroit maudit, je suis tombée dans une foule plus nombreuse encore ... quelques bâtiments enfin, des enseignes lumineuses, l'animation d'une grande ville. Au loin, une route vide, j'y suis allée et j'ai commencé à marcher ... après quelques pas, j'étais seule. A ma droite, une maison moderne avec un cabriolet Mercedes 300 rose sur le toit. Je suis allé voir, j'ai visité la maison déserte, très belle en bordure de mer. La maison suivante était aussi réussie, un yacht de luxe remplaçait la Mercedes. A coté, un château médiéval était entouré de barbelés électroniques. L'immeuble suivant était un casino. Dans une salle, des fauteuils alignés étaient occupés par des gens qui n'ont pas répondu pas à mes salutations. J'ai trouvé un siège libre, j'ai regardé autour de moi et j'ai attendu mes trois premiers dollars Linden.
Pendant ce temps, j'ai exploré l'interface et découvert la fonction de recherche, et j'ai fait quelques essais. Je ne sais plus ce que j'ai tapé mais je suis tombée sur Gor. J'avais déjà rencontré des Goréens sur IRC. L'accueil avait été plutôt glacial, mais j'étais intriguée. Je me suis donc rendue à un genre de plateforme générale et j'ai lu les descriptions des différentes villages ... Voilà autre chose que les chaises à sous et les maisons désertes. J'ai ainsi passé un mois dans Gor.
Mon maître était absent pour le week-end. Personne n'échange plus de trois phrases avec une kajira, j'ai donc retrouvé au fond de mon inventaire d'autres vêtements que les voiles Goréens et j'ai repris mon exploration de Second Life. J'ai visité les boutiques, j'ai rencontré un gentil parisien qui m'a montré le Second Louvre (sans s), les jardins d'Apollo et d'autres lieux. Il était chaleureux et généreux. Soudainement, j'étais fatiguée de m'agenouiller, de glousser avec les autres kajiras et d'être ignorée. J'avais trouvé une petite robe à pois qui dansait sur mes cuisses, j'étais souriante et désirée, je sentais le soleil virtuel réchauffer ma peau virtuelle. Je ne suis jamais retournée sur Gor.
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